Actualité : Cérémonie d’hommage à Samuel Paty

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Clément Rossignol Puech, Maire de Bègles, Vice-président de Bordeaux Métropole a souhaité rendre hommage à Samuel Paty, enseignant assassiné le 16 octobre 2020 pour avoir incarné la liberté d’expression.

Un Ginkgo Biloba a été planté durant cette cérémonie en symbole de résilience et de l’attachement du Conseil municipal aux principes de Libertés, Fraternité, Tolérance et Laïcité.

Les collégiens de Pablo-Neruda et de Berthelot conviés à la cérémonie ont pris la parole en récitant le poème « Liberté » de Paul Éluard.

L’événement s’est déroulé en présence du Conseil Municipal des Jeunes, de la communauté éducative de Bègles et des représentants des cultes locaux.

Relire ici le MANIFESTE BÉGLAIS : Pour le respect des libertés, la fraternité, la tolérance et la laïcité

Le discours en vidéo :

Consultez le discours en intégralité :

Nous sommes réunis ce jour pour rendre hommage à Samuel Paty, professeur assassiné il y a un an pour avoir incarné la liberté d’expression. Assassiné pour avoir soutenu la liberté de pouvoir exposer une conviction, une opinion, de blasphémer, de critiquer. Assassiné pour avoir éveillé les consciences de ses élèves, pour avoir aiguisé leur esprit critique, leur curiosité. Assassiné pour avoir fait son travail.

Samuel Paty, 47 ans à sa mort, professeur d’histoire-géographie, a été assassiné par arme blanche peu après être sorti de son collège de Conflans-Sainte-Honorine. Son assassin est abattu quelques minutes après l’attentat par la police. Dix jours auparavant, Samuel Paty avait montré deux caricatures de Mahomet issues du journal satirique « Charlie Hebdo » lors d’un cours d’enseignement moral et civique sur la liberté d’expression, suscitant la colère d’un père d’une collégienne. Ce dernier publie alors sur divers réseaux sociaux des vidéos divulguant le nom du professeur et l’adresse de l’établissement scolaire où il exerce. Les vidéos deviennent rapidement virales, suscitant de nombreux messages de haine à l’encontre de Samuel Paty, jusqu’à son assassinat.

Selon plusieurs témoignages de ses élèves et anciens élèves, Samuel Paty était un enseignant investi et aimant son métier, soucieux de leur réussite et apprécié par eux. Il était mariéet père d’un enfant de cinq ans.

Son assassinat est un acte odieux et révoltant que rien ne peut justifier.

Nous sommes sous le choc de la barbarie des actes et c’est malheureusement le but recherché par les terroristes : enclencher une terreur collective.

Et pourtant, quand la République est ainsi attaquée dans son cœur, il est primordial de rappeler ses principes fondateurs ainsi que le rôle fondamental des enseignants de l’Education Nationale. Ouverture d’esprit, tolérance, esprit critique, liberté de conscience, constituent les valeurs de l’enseignement, rempart contre toute forme d’obscurantisme et d’intégrisme.

En plantant cet arbre, un ginkgo biloba, nous décidons de ne pas oublier : pour Samuel Paty, pour tous ses collègues, pour leur travail au service de nos enfants.

Nous réaffirmons notre adhésion aux principes de la République, Liberté, Egalité, Fraternité, et à celui de Laïcité. Ces piliers fondent notre identité collective et nous permettent d’élaborer un destin commun à tous les habitants de Bègles.

Les attentats terroristes qui ont frappé au cœur la République Française, la liberté de conscience et l’enseignement de l’esprit critique, ne doivent pas nous enfermer dans l’infernale tragédie de la peur car à la peur succèdent souvent le rejet, le repli sur soi et le conflit. Aux faits criminels qui menacent le «bien vivre ensemble», opposons les valeurs qui forgent notre histoire commune dans le sens de l’intérêt général : le respect des libertés, le libre exercice des consciences, la tolérance envers l’autre quels que soient son histoire ou son parcours.

Bègles a toujours été et restera une terre de fraternité et de respect mutuel, d’acceptation de l’autre et de son histoire, et nous pouvons en être fiers.

Notre mémoire collective, notre Histoire béglaise, se nourrissent d’un certain nombre de faits, parmi lesquels :

  • La présence d’un temple protestant, situé dans l’actuel quartier du Prêche, où convergeaient au 17ème siècle les « réformés » de Bordeaux ;
  • Ou encore l’élection de Marc Daguzan, abbé et premier maire de Bègles, en 1790, le fronton de l’église Saint-Pierre gravé de notre devise nationale en 1848, rappelant l’esprit de concorde possible entre l’Eglise et l’Etat, bien avant la loi de séparation de 1905 ;
  • Le rôle joué par de nombreux Béglais durant la Seconde Guerre Mondiale, qui ont bien souvent payé de leur vie cet esprit de résistance à la haine et à l’horreur ;
  • C’est aussi le soutien en 1985 à Nelson Mandela au plus fort de l’Apartheid en le nommant citoyen d’honneur de la Ville ;
  • C’est encore la première célébration d’un mariage entre deux personnes de même sexe en 2004, près de 10 ans avant que la loi ne l’autorise, car si parfois la loi nous semble injuste ou contrevenir aux valeurs fondamentales de la République, il nous revient de désobéir, sans violence aucune et toujours dans le respect du vivre-ensemble qui s’insère dans des valeurs collectives, défendant l’intérêt général sur l’intérêt privé ou l’intérêt particulier ;
  • C’est l’accueil inconditionnel de personnes exilées, contraintes à l’exil, venant souvent de loin mais béglaises avant tout. Les réfugiés, chassés de leur pays par la guerre ou la famine ont trouvé et trouvent encore à Bègles une terre hospitalière, marquée par un engagement renouvelé de ses citoyens. Cette ville populaire, ouvrière et maraîchère a su grâce à son terreau associatif important, ses écoles laïques, son Amicale Laïque, Secours Populaire, Restos du cœur, ses nombreuses associations sportives et culturelles,  intégrer, soutenir et s’enrichir aussi de ses différences ;
  • C’est enfin et surtout l’esprit citoyen d’entraide et d’engagement, de solidarités, entre voisins, qui illustre plus que tout l’esprit béglais.

Le combat contre l’obscurantisme et l’intolérance en France est cependant loin d’être gagné.

Nous avons la chance de vivre et évoluer, libres et égaux, dans un Etat de droit et laïque. La religion et la liberté de conscience et de culte y ont toute leur place, mais nul dogme religieux n’est au-dessus des lois de la République.

De la même façon que nous ne pouvons admettre que des fanatiques religieux fassent régner la peur au nom de leur dieu, nous ne pouvons tolérer, qu’au nom du « secret de confession », des faits inadmissibles et pénalement répréhensibles ne puissent être signalés à la justice.

Aujourd’hui, le contexte politique se dégrade d’année en année : la progression des idées populistes d’extrême droite, qui trouvent recette auprès d’élus, parfois issus de partis dits républicains, ainsi qu’auprès de nombreux Français qui se sentent dépréciés, déclassés et qui cherchent des coupables ; ou encore l’augmentation inquiétante de l’abstention, élection après élection qui va de pair avec la défiance envers les élus de la République.

J’en veux pour beaucoup à ceux, trop médiatisés, qui cherchent à nous faire croire que la France court à sa perte. Non, il n’y a pas de déclassement français, comme voudraient nous le faire croire les polémistes populistes réactionnaires, flirtant avec la xénophobie, et tous les défenseurs de la théorie complotiste du grand remplacement.

Nous toutes et tous, ici présents, veillerons à ce que l’Historie ne se répète pas.

Au contraire, quand la démocratie est attaquée dans son cœur, comme ce fut le cas il y un an par l’assassinat d’un enseignant qui transmettait l’esprit critique et développait le libre arbitre, ce sont les libertés fondamentales qui sont attaquées et il nous faut réagir justement en consolidant la démocratie. Il ne faut ni céder à la peur, instillée par ces terroristes, ni aux sirènes du populisme. Au contraire, il est nécessaire de réaffirmer nos valeurs et notre cohésion collective.

Prenons conscience que la démocratie est fragile. Notre démocratie peut facilement se déconstruire sous les coups de butoir des populismes, des attaques terroristes, des crises économiques, sociales et environnementales. Ceux qui font appel à la loi martiale sont irresponsables.

Je suis intimement persuadé qu’une crise environnementale peut mettre en tension les démocraties. Pourquoi ? Si le climat change, on verra apparaître de nouvelles maladies, les libertés publiques peuvent être affaiblies ou même réduites par l’Etat. On pourra connaître des tensions sur l’alimentation et les produits de base, on verra un creusement des inégalités sociales. Et une société inégalitaire fragilise la démocratie.

Mais il existe des solutions. Après les attaques terroristes, j’ai assisté à une messe œcuménique à l’église de Bègles aux côtés des imams de Bordeaux et de Cenon. C’était un geste fort et très émouvant.

Il est de notre devoir, élus de la République, représentants des cultes, professeurs, habitants de Bègles, futurs citoyens, de porter haut et fort les valeurs de la République, ciments de notre société et de notre vivre-ensemble.

Pour cela, aujourd’hui, nous plantons un arbre en hommage à Samuel Paty et aux valeurs qui ont été attaquées lors de son assassinat.

Aujourd’hui, Le 16 octobre 2021, nous plantons un ginkgo biloba au pied de l’Hôtel de Ville, lieu de la République française.

Le Ginko biloba (arbre aux 40 écus originaire du sud de la Chine) est la plus ancienne famille d’arbre connue, remontant à plus de 300 millions d’années.

Véritable symbole de résilience. Outre sa résistance aux cataclysmes naturels, l’arbre ne craint pas la plupart des agressions extérieures telles que la pollution atmosphérique. Ce qui explique sans doute que le Ginkgo biloba puisse vivre 1500 ans, et exceptionnellement 2000 ans.

Parmi tous les arbres qui se trouvaient au point d’impact de la bombe atomique d’Hiroshima, au Japon en 1945, seuls les six ginkgo biloba ont survécu et bourgeonnaient à nouveau dès l’année suivante.

Ce Ginko biloba symbolise la résilience de notre humanité.

Vive la République et vive la France !